Trop Petit Pour Être Important ?
- InCorporer - JB

- 20 nov.
- 5 min de lecture
Quelque chose dans ma chaussure
Sans doute avez vous déjà expérimenté la sensation d’une gêne dans votre chaussure, de quelquechose de non déterminé, mais de désagréable sans aucun doute. C’est petit pourtant, mais pas assez pour ne pas être embêtant. Trop grand pour ne pas le sentir, mais trop petit pour vraiment s’en occuper. En plus, il est 6h48 et vous êtes pressé(e). Vous n’avez pas le temps de vous en occuper. Vous allez être en retard pour votre train/métro/bus, et si vous le manquez, vous allez être pris dans le flow du rush, de la foule… donc vite vite ! Cette gêne peut attendre.
A la question "Est-ce que la taille est importante ?", le Dalai Lama répondait : « essayez de dormir dans une chambre en compagnie de 2 ou 3 moustiques, avec des plafonds trop hauts pour les atteindre ... ».
Je ne suis pas certain de la citation exacte, mais vous percevez l’idée… Petit oui, apparemment négligeable, mais peut-être lourd de conséquences.
Revenons à vos pieds. 7h58 Vous êtes arrivée(s) au bureau, et la gêne est toujours là mais… un peu différente. Comme moins intense. Plus diffuse. Votre pied semble s’être habitué. Et puis... la réunion du COMEX va commencer, et il faut vite y aller parce que votre patron va encore crier si vous êtes en retard, et c’est tellement important ce qui s’y dit que … vite vite vite !
12h37 Pause déj ! Quelle réunion ! Gérard en a pris plein les dents, et vous avez été épargné(e). Direction la cafet… Et revoilà la douleur au pied ! Bizarre. Ça c’était calmé et puis voilà que ça brule maintenant ! Vous avez bien envie de jeter un oeil mais bon, vous n’allez quand même pas vous retrouver pied nu devant tout le monde au beau milieu du self ! Ça peut bien attendre ... Plus tard donc…
16h10 Dernière pause de la journée. Fabienne raconte l’épisode d’hier de sa série préférée. Ça a l’air sympa. Vous cherchez la sensation dans votre chaussure et comme par magie… plus rien. Et ben voilà ! Pas de raison de s’inquiéter ! Vous avez bien fait de ne pas regarder.
19h13 Le cours de yoga a déjà commencé et vous êtes à la bourre. Vous retirez vite fait vos chaussures et… Votre pied est plein de sang ! D’où cela vient-il ? C’était cela la douleur ? En regardant de plus prêt, vous voyez une coupure à la base du gros orteil. Et dans la chaussure, un petit caillou, bien pointu…

Une Part « Trop Discrète » / Extrait de séance avec S, 36 ans
" Notre dernière séance m’a pas mal remuée. Vous parlez tout le temps de cette part de moi qui vient m’empêcher de me mettre au travail, et moi, je ne la sens pas…
-Oui, je vois bien que vous la percevez difficilement. C’est pour ça que j’insiste et que je parle d’elle, pour vous aider à mieux la percevoir. C’est d’ailleurs elle qui commence souvent nos séances, en disant : « j’ai besoin de dire ces choses là, parce que c’est important. » En faisant cela, elle nous impose ce qui est important pour elle, sans forcément prendre en compte si c’est important pour tout votre système, ou pour vos objectifs.
-… Je me sens perdu à nouveau.
-Notez cette sensation « d’être perdue ». Décrivez-moi ce que vous ressentez.
-Comme un brouillard dans ma tête. Je suis perdue. Je n’arrive pas à penser. J’ai le tournis…
-Posez vos mains, et notez ces sensations. Cette part, ou plusieurs, vous empêchent d’accéder à certaines informations.
-Oui mais …
-Prenez votre temps. N'essayez pas de comprendre. Ressentez.
-...Ca se calme un peu. Mais je ne ressens pas ça comme une part. Ça fait pas comme d’habitude. Je ne suis pas triste et je n’ai pas envie de pleurer et…
-Peut-être parce que c’est une autre part. Elle communique simplement différemment. Il y a quelques temps déjà, on a été confronté à ce phénomène. Comme si, pour une part de vous, si ça n’est pas une sensation ou une émotion forte, ce n’est pas une part. Si ça ne prend pas beaucoup de place, ou si ce n’est pas intense, ce n’est pas une part.
-Oui, ce n’est pas une part. Ça fait pas pareil.
-C’est une croyance de cette part de vous. Rappelez vous : les parts s’expriment par des sensations, des émotions, mais aussi des croyances, ou encore des mouvements. Vous repérez beaucoup mieux les sensations et les émotions fortes, mais pas les autres formes de communication.
-J’ai l’impression de mieux comprendre, et en même temps ça reste un peu flou.
-Très bien. Suivez ces deux sensations, celle de mieux comprendre, et celle de flou. C’est votre part du présent et une part du passé qui s'expriment."

Affiner notre Perception Pour Mieux Soigner Nos Parts
Dans le modèle InCorporer, nous suivons le fonctionnement de notre système nerveux dans sa globalité. Cela implique que pour nous, les Parts peuvent communiquer de différentes manières : pensées, images, sensations, émotions, souvenirs, mouvements, croyances. On ne limite pas les parts à une seule forme de communication. Même si toutes les Parts n'utilisent pas forcément tous ces types de communication en même temps, cela se révèle exigeant pour le cortex pré-frontal (CPF). Apprendre à différencier tous ces éléments, puis à les regrouper en patterns cohérents (en Parts), c’est une tâche cognitive complexe, couteuse en énergie et en attention. C’est d’autant plus difficile pour nos patients que dans les traumatisions complexes, le CPF est blessé, et donc limité.
Pour autant, même si elle est difficile, cette tâche reste nécessaire. Si nous n'apprenons jamais à percevoir et gérer la complexité, nous ne pourrons jamais agir sur ces parts et les soigner convenablement. Non, la psychothérapie n’est pas une tâche facile. Il est indispensable d'accepter que cela réclame des efforts. La facilité n'est pas un indicateur d'efficacité.
Mes expériences personnelles et professionnelles dans cette forme de travail interne m’ont appris qu’après une phase de travail auprès des parts les plus en souffrance, les plus "bruyantes" (manifestant des émotions, des sensations, des mouvements intenses), et donc les plus facilement repérables, une phase de calme interne s’installe. Cela ne signifie pas pour autant que le travail soit totalement achevé.
Le seul indicateur que je retiens pour arriver à cette conclusion est la mise en place de nouvelles actions. Si nous arrivons à accomplir des tâches qui nous étaient impossibles par le passé, c’est gagné ! Le vrai changement commence. Il devra être alors entretenu et développé.
Dans le cas de S, son retour à la vie professionnelle a été la preuve de la mise en place de nouvelles actions qui lui étaient (re)devenues impossibles. Après avoir soigné certaines Parts, elle a pu accomplir les actions suivantes :
Se rendre à un entretien d'embauche,
Gérer le stress de la communication et l’évaluation,
Gérer le stress de l’interaction avec les clients,
Gérer le stress de l'interaction avec les collègues, etc.
Dans l’extrait cité, S n’en est plus là depuis près d'un an. Mais ses parts débattent désormais de trouver un contrat en CDI vs CDD, de ce qui est le mieux pour construire son futur, de ses droits en tant que salarié, etc …
On est loin de l’époque où juste envoyer un CV, ou le rédiger, était tout simplement impossible pour elle. Ses Parts communiquaient alors des pleurs, des crises d’angoisse et de dissociation de forte intensité. Une Part de S. croyait qu'elle ne s'en sortirait jamais, et persuadait les autres parts. Elles avaient tort.
Julien Baillet, 20.11.25



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